Les différentes étapes

26-L’Hautil-Le Château de la tour

Localisation : L’Hautil

Historique

Histoire de la propriété

Avant la construction du « château », la propriété, qui appartenait dans les années 1860 à la Société des Carrières Vallery-Bourdet-Vallée, couvrait une vaste surface de 40 hectares sur le plateau de l’Hautil. Le Château de la Tour que nous connaissons aujourd’hui fut édifié vers 1890. C’est une grande bâtisse en pierre meulière dont l’architecture s’inspire très largement du style gothique, encore très en vogue en cette fin du XIXe siècle (les travaux de Viollet-le-Duc et l’influence d’intellectuels tels que Victor Hugo avaient remis à la mode le Moyen-Âge et son architecture). Le Château de la Tour est composé d’un corps de bâtiment, occupant cent mètres carrés au sol, élevé sur trois niveaux et flanqué de deux tours, l’une ronde et crénelée (sur laquelle, de nos jours, est installée un observatoire du Parc aux Étoiles), l’autre de forme octogonale et coiffée d’un toit conique. Les nombreuses fenêtres en ogives achèvent d’affirmer le style médiéval de l’ensemble. Par ses dimensions assez modestes, le bâtiment tient plus de la grande maison bourgeoise que du château. D’ailleurs, si l’on en croit les cartes postales publiées au début du XXe siècle, il s’appelait alors simplement La Tour ou La Tour de l’Hautil.

ID604 01 Chateau de la Tour AujourdhuiDepuis sa construction jusqu’en 1946, le domaine connut successivement près de dix propriétaires différents. Le dernier d’entre eux, M. Kucharsky, y fit établir un terrain d’aviation. On sait qu’au moment de sa vente à la ville de Triel, en 1971, le domaine comportait en effet un hangar d’aviation d’une superficie de 180 m². On y trouvait également deux piscines, l’une de plein air d’un volume de 80 m3 et l’autre d’hiver, chauffée, de 50 m³. On prétend qu’à cette époque les jeunes Triellois venaient souvent lorgner par-dessus la clôture du parc pour tenter d’apercevoir les belles baigneuses s’ébattant dans l’eau.

En 1971, M. Champeix, maire de Triel, décide d’acquérir la propriété dans le but d’en faire un espace de plein air équipé de terrains de sport, ces derniers faisant à l’époque cruellement défaut à la commune. A ce moment, le domaine compte encore 27 hectares, dont la plus grande partie est boisée. La propriété, avec son Château de la Tour est acquise pour la somme de 1.500.000 francs. C’est un important investissement pour la municipalité qui doit emprunter la totalité de la somme. L’emprunt principal (900.000 francs) sera contracté auprès de la Caisse des Dépôts, tandis qu’un emprunt complémentaire est souscrit à la Caisse d’Épargne.

Après son acquisition par la commune, le Château de la Tour accueille quelques associations trielloises. Parmi elles, une jeune troupe de théâtre s’y installe dès 1971 et prendra bientôt le nom des Comédiens de la Tour en référence au lieu. « Nous y répétions et fabriquions les décors qui, pour les plus grands panneaux, devaient être sortis par la fenêtre à l'aide de cordages » nous rapporta Philippe Prévost (président de la troupe en 2017). Les Comédiens de la Tour restent en résidence au château jusqu’en 1977, époque à laquelle ils s’installent rue Cadot dans un ancien gymnase qui deviendra plus tard le théâtre Octave Mirbeau.

Le Château de la Tour et son parc sont également fréquemment utilisés pour des manifestations locales (fête des Écoles, Salon des Beaux-Arts, camp de l'Amitié Européenne,…). C’est au cours de l’une d’entre elles, qu’eut lieu un dramatique accident qui frappa particulièrement les esprits à l’époque. A l’occasion du vingtième anniversaire du jumelage de la commune de Triel avec la ville allemande de Seligenstadt (19 juin 1988), une tribune occupée par le public s’effondra sur elle-même provoquant de nombreux blessés, dont un le fut grièvement. La fête promettait d’être belle, tout le monde attendait que l’on frappât « les trois coups pour que le rideau se lève sur ce qui devait être le clou de l’année. Mais en quelques secondes tout a basculé et ce fut le drame ou presque ».(1)

Le Château de la Tour dans les étoiles

A la fin des années soixante entre en scène un personnage important pour l’histoire du Château de la Tour, Jean-Paul Trachier (1925-2007), journaliste scientifique et co-fondateur, avec Albert Ducrocq, du mensuel Espace & Civilisation. Il déclarera plus tard à ce propos : « ...sachez amis Triellois, que tous les deux mois, c’est à l’observatoire de Triel que "se monte", la grande revue française d’astronomie Ciel et Espace... »

Il semble que l’idée ait germé très tôt dans l’esprit de Jean-Paul Trachier, bien avant l’acquisition du domaine par la ville, d’installer un observatoire astronomique à Triel. Il entretenait à cette époque des contacts étroits avec M. Champeix et ce dernier se montra ouvert à son projet. Tout deux décidèrent alors de « tâter le pouls des amateurs d'astronomie de Triel.»(2) Sitôt dit, sitôt fait et dès 1971, Jean-Paul Trachier installe le Groupe Astronomique des Yvelines, dont il est le président, dans les locaux du Château de la Tour, tout récemment acquis par la commune. Un observatoire est aussitôt installé sur la terrasse et inauguré le 3 juin 1972 en présence du professeur Muller, un astronome « qui a donné son nom à plus de 300 étoiles ».

Par son action, mais aussi par le biais de ses publications, Jean-Paul Trachier a toujours cherché à vulgariser l’astronomie. « J’ai essayé d’apporter la bonne parole à plus de 200.000 jeunes […] J’ai parcouru les écoles, fait des conférences partout, j’ai essayé d’inculquer même aux adultes cet esprit d’optimisme, de progrès », déclara-t-il un jour. Lorsqu’il s’installe sur le plateau de l’Hautil, Jean-Paul Trachier a bien l’intention de faire de l’Observatoire de Triel un lieu accessible à tous et de faire partager, notamment auprès des jeunes, sa passion pour l’observation des étoiles. « Lorsque je me suis vu seul dans cet édifice, écrira-t-il, j'ai pensé que beaucoup de jeunes, à l'ère du cosmos, seraient sûrement tentés, eux aussi, de coller leur œil à l'oculaire. » Jean-Paul Trachier parvient ainsi, au fil des ans, à faire de l’Observatoire de Triel un lieu de rencontres en y organisant nombre de manifestations publiques et par son entregent il réussit également à obtenir le soutien, aussi bien de personnalités de l’audiovisuel, que de sommités scientifiques, « célèbres astronomes et savants [qui] viennent [y] semer la bonne parole ».

Le 29 septembre 1989, Jean-Paul Trachier crée, avec le soutien d’Amour Quijoux, maire de Triel, le Parc aux Étoiles dont la vocation est de faire découvrir l’espace à un plus large public, grâce à l’installation d’expositions permanentes sur les thèmes de l’astronomie, de l’astrophysique et de l’exploration spatiale. Le musée du Parc aux Étoiles est installé dans un nouveau bâtiment construit dans le parc du Château de la Tour. « Des dioramas, maquettes en trois dimensions, donnent l'illusion du mouvement et de la réalité : 22.000 étoiles en couleurs et en trois dimensions, dans 34 vitrines éclairées en lumière noire. »(3).

ID604 02 Chateau de la Tour CoupoleDepuis lors, les manifestations et les événements se succèdent au Parc aux Étoiles de Triel. Ainsi, le 22 juin 1996, y est inaugurée la réplique de la célèbre lunette de Huygens en présence de Frank Borotra, ministre de l’Industrie. « Une animation en costumes de l’époque est jouée plusieurs fois, pour commenter la première mise en place de la lunette des frères Huygens en Hollande, le 30 décembre 1683 »(4).

En 1991, le Parc aux Étoiles se voit confier, par la Société Astronomique de France, une grande lunette fabriquée à la fin du XIXe siècle à la demande d’un personnage atypique, un certain Charles Apoil, qui l’avait installée sous une coupole trônant sur le toit de sa maison !

Histoire d’une lunette astronomique

Charles Edmond Apoil (1859-1941)(5) fut un homme aux multiples talents : il peignait et il jouait du violoncelle, tout en occupant un poste de professeur à l’École de la Manufacture Nationale de Porcelaine de Sèvres. Il y fut successivement professeur de dessin (1883), professeur de mathématiques appliquées et de dessin (1894), censeur des études (1902). En tant qu’artiste, il participa aux Expositions Universelles de 1889 et de 1900. Il fut également Directeur honoraire de l’école de Sèvres. Ses services au sein de la Manufacture lui valurent d’être promu au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur en 1919(6).

ID604 03 Grande LunetteCharles Edmond grandit dans un milieu artistique et dans une famille indissociablement liée à la Manufacture de Sèvres. Son père, Charles Alexis Apoil (1809-1864) était peintre de genre et portraitiste à ses heures, mais il fit surtout carrière à la Manufacture où il œuvra de 1851 jusqu’à sa mort. Sa mère, Suzanne née Béranger (1825-1902), fut elle aussi peintre, mais elle fut surtout reconnue comme l’une des plus talentueuses artistes de la Manufacture de Sèvres où elle officia plus de quarante ans (de 1851 à 1892). Nombre de ses œuvres furent unanimement reconnues, comme par exemple ces deux « Vases-Paris », décorés de sa main sur le thème de l’Éducation et la Récréation, qui furent offerts par le gouvernement français à l’impératrice de Russie en 1874(7). Née elle aussi d’une famille d’artistes, c’est auprès de son père, Antoine Béranger, lui-même artiste à la Manufacture, qu’elle avait appris l’art de la peinture.

Charles Edmond épousa Flavie Renard en 1906, artiste peintre elle aussi, issue d’une famille également profondément attachée à la Manufacture de Sèvres : son père, son grand-père et son oncle y travaillèrent. Quant à son frère Émile, il fut un peintre apprécié qui exposait régulièrement dans les salons. Élève de Cabanel, il reçut nombre de distinctions, dont une médaille d’honneur au Salon de 1911 pour son Déjeuner des Orphelines.

ID575 03 Observatoire de Charles Apoil SèvresComme on le voit, par ses ancêtres aussi bien que par sa belle-famille, Charles Edmond entretint toute sa vie des relations très étroites avec ce milieu d’artistes formés à l’école de Sèvres. Pourtant, la musique, le dessin, la peinture et la Manufacture ne furent pas ses seuls centres d’intérêt et il se tourna bientôt vers l’astronomie en rejoignant la Société Astronomique de France. Cette passion pour l’observation des astres conduisit Charles Edmond à se faire construire, dans les dernières années du XIXe siècle, une grande lunette astronomique de 3,40 m de focale et 225 mm de diamètre qu’il installa à son propre domicile (transformé pour le coup en véritable observatoire), situé 14 rue Brancas à Sèvres. Sa maison était d’ailleurs devenue la curiosité de la ville et tous venaient voir cette grande coupole curieusement érigée sur le toit, comme peuvent en témoigner quelques cartes postales de l’époque.

Sa passion pour l’astronomie et son goût pour la musique rapprochèrent Charles Edmond d’un scientifique d’origine suisse, Charles Volet (1895-1992), qui était affecté au Bureau International des Poids et Mesures à Sèvres. Charles Volet, lui aussi membre de la Société Astronomique de France, mais également violoniste à ses moments de loisirs, rejoignit tout naturellement le quatuor que venait de constituer Charles Edmond Apoil(8). Ainsi, pendant près de vingt ans (de 1922 à 1940), les quatre musiciens amateurs, qui, paraît-il, étaient tous prénommés Charles, se réunirent-ils régulièrement dans la maison-observatoire de Charles Edmond pour répéter, mais peut-être aussi en profitaient-ils pour s’adonner à l’observation du ciel étoilé.

ID604 04 Musee Parc aux EtoilesLorsque Charles Edmond mourut, en 1941, il était veuf et restait sans descendance. Aussi avait-il décidé de léguer à son ami Charles Volet sa maison-observatoire de Sèvres avec sa grande lunette astronomique. Charles Volet s’y installa avec sa famille et y demeura jusqu’à sa mort.

En 1988, Charles Volet offre sa grande lunette à la Société Astronomique de France, puis en 1991 l’instrument, désormais historique, de Charles Edmond Apoil est finalement installé au Parc aux Étoiles à Triel, dans les jardins du Château de la Tour, où l’on érigea pour l’occasion une coupole de cinq mètres de diamètre.

>Aujourd’hui, cette lunette astronomique est la fierté du Parc aux Étoiles car c’est l’une des plus grandes lunettes en France ouvertes aux observations publiques. Elle est équipée d’une monture équatoriale motorisée et peut atteindre le grossissement maximum de 600 fois. Elle est réputée pour fournir de spectaculaires images du Soleil, de la Lune et des planètes(9).


Notes

(1) Journal Paris-Poissy du 20 juin 1988.
(2) Bulletin municipal de Triel (1971) - JP Trachier.
(3) Site internet du Parc aux Étoiles (https://parcauxetoiles.gpseo.fr/).
(4) Revue L’Astronomie, Vol. 112 – avril-mai 1998, p147.
(5) La généalogie de la famille Apoil est extraite du site internet :
http://gw.geneanet.org/blobemoca?n=apoil&oc=&p=charles+edmond
(6) Base Leonore de la Légion d’honneur aux Archives Nationale – Cote 19800035/215/28161.
(7) Louis Étienne Dussieux, Les artistes français à l’étranger – 1876, p576. Cité par Rabita MAZIGHI dans son mémoire, Suzanne Estelle Apoil : 1851-1892, Artiste peintre sur porcelaine à la manufacture de Sèvre – 2002 - Archives de la manufacture de Sèvres.
(8) Selon le site internet de Michel Volkovitch, petit-fils de Charles Volet, (http://www.volkovitch.com/F14_01.htm).
(9) Site internet du Parc aux Étoiles (https://parcauxetoiles.gpseo.fr/).

Sources

https://parcauxetoiles.gpseo.fr/node/661
http://www.volkovitch.com/F14_01.htm
Registres de délibérations de conseils municipaux de Triel – 1D36-1971-1973.
Archives de la manufacture de Sèvres.

Notes généalogiques

Charles, Alexis APOIL

Né le 24 octobre 1809 - Mantes-la-Jolie (78), 78 200, Yvelines, Île-de-France, FRANCE
Décédé le 22 déc. 1864 à Sèvres.
Peintre -Manufacture de Sèvres (1851-64)
Union(s) et enfant(s)
Marié avec Suzanne, Estelle BERANGER 1825- dont
H Charles, Edmond APOIL, Chevalier de la Légion d'honneur 1859-1941

Charles, Edmond APOIL

Chevalier de la Légion d'honneur
Né le 2 janvier 1859 - Sèvres (92), 92 310, Hauts-de-Seine, Île-de-France, FRANCE
Décédé le 20 juin 1941 - Sèvres (92), 92 310, Hauts-de-Seine, Île-de-France, FRANCE , à l’âge de 82 ans
Directeur de fabrication à la Manufacture de Sèvres, artiste peintre de fabrication à la Manufacture de Sèvres, artiste peintre
Parents
Charles, Alexis APOIL, né le 24 octobre 1809 - Mantes-la-Jolie (78), 78 200, Yvelines, Île-de-France, FRANCE, décédé, Peintre -Manufacture de Sèvres (1851-64)
Marié avec
Suzanne, Estelle BERANGER, née le 19 octobre 1825 - Sèvres (92), 92 310, Hauts-de-Seine, Île-de-France, FRANCE, décédée, Peintre - Manufacture de Sèvres
Union(s)
Marié le 7 août 1906, Sèvres (92), 92 310, Hauts-de-Seine, Île-de-France, FRANCE, avec Flavie, Clémentine RENARD 1856-1930
Notes concernant l'union
Union avec Flavie, Clémentine RENARD

Semblent ne pas avoir eu d'enfants. Pas d'enfants mentionnés sur le faire part de décès de HC Renard en 1919, 13 ans après leur mariage.

Source : Geneanet http://gw.geneanet.org/blobemoca?n=apoil&oc=&p=charles+edmond

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